Une fin de croisière mouvementée

23 juillet 2020 0 Par Nadiege

Notre entrée dans le plus beau restaurant des quatre qui se trouvent sur notre superbe bateau de croisière attira tous les regards. Je crois pouvoir dire que nous avions une allure certaine. Marie portait sa robe longue bleu nuit, fluide, qui mettait particulièrement en valeur sa gracieuse silhouette. Elle avait chaussé des talons aiguilles argent. Les longues boucles d’oreilles que je lui avais offertes deux jours auparavant éclairaient son visage finement maquillé. Elle tenait une pochette vernie à la main gauche, et sa main droite tenait la mienne. Bien évidemment, j’avais revêtu mon plus beau costume pour ce dernier repas avant notre arrivée à Marseille où nous débarquerions le lendemain.

La direction avait bien fait les choses pour cet anniversaire et nous suivîmes le serveur qui nous guida vers une table isolée artistiquement décorée, où il nous installa. Il nous versa une coupe de champagne et nous souhaita une excellente soirée.

  • Buvons à notre santé, à l’avenir.
  • Ensemble ?
  • On en parlera au dessert. Faisons de ce dîner un moment parfait !

Avais-je réussi mon examen de passage ? Je ne le saurai pas tout de suite. Je me prêtai au jeu avec délectation, sans trop de crainte tant ce séjour sur la grande bleue avait ranimé la flamme. Cinq ans déjà que nous nous étions rencontrés, aimés, installés ensemble ! Je n’avais pas vu qu’elle commençait à s’ennuyer, occupé que j’étais à bien gagner notre vie. Son propre emploi de commerciale lui plaisait énormément, elle y réussissait pleinement. Des amis, un peu de sport, quelques sorties, une vie agréable en somme,  et il m’avait semblé que nous étions comblés.

Mais au cours d’un déjeûner semblable à tous les autres, elle m’avoua que la routine dans laquelle nous nous étions installés lui était pesante et qu’elle songeait à une séparation. Certes, elle convint qu’elle n’était pas vraiment malheureuse, mais pas heureuse non plus. Et qu’elle redoutait l’usure du quotidien. Elle me débita un tas de fadaises romantiques, me reprocha de ne pas être capable de partir voir la mer juste à près le travail comme ça sans l’avoir planifié, de ne pas porter des costumes classiques avec des chaussettes à fleurs, …bref de ne plus la surprendre. Ce reproche se renouvela, elle rêvait de festivals, nous n’étions pas forcément libres au même moment, elle commença à sortir avec des copines et m’engagea à m’abonner à la saison de foot avec les copains.

Insensiblement, elle s’éloignait de moi, nous ne parlions plus que de choses futiles.

Un soir, elle me posa un ultimatum : soit j’étais capable de faire de l’anniversaire de notre rencontre un moment parfait, soit nous partirions chacun de notre côté.

C’était brutal, mais je tenais à elle et décidai de relever le défi. Je lui demandai de réserver la 3ème semaine de juillet, et nous montâmes dans ce magnifique hôtel flottant qui parcourt la Méditerranée où nous terminions un séjour de rêve , loin de nos préoccupations habituelles.

Le repas fut exquis. Je lui proposai de nous rendre sur le pont. La semaine que nous venions de vivre nous avait fait renouer avec les fous rires disparus, les siestes coquines, la complicité. Et nous regardions tous les deux dans la même direction, celle du coucher du soleil.

La nuit nous enveloppa, seule la pâle lueur d’un  croissant de lune se reflétait sur une mer d’huile. Je lui fis la promesse de ne plus oublier notre couple à l’avenir… et je sentis son malaise.

  • Nous ne rentrerons pas ensemble, je m’en vais, j’ai accepté un poste en Italie et je pars dès demain
  • Tu plaisantes ? Tu ne m’as jamais parlé de ce projet !
  • En fait, j’ai déposé plusieurs candidatures, et j’ai reçu une réponse positive pour travailler dans une agence à Rome. Je ne croyais pas aboutir si vite, mais une opportunité se présente que je ne peux pas laisser passer.
  • Tu m’as laissé réserver ce voyage, sans rien dire !
  • Le soir où j’avais décidé de te parler,  tu es rentré et tu m’as tendu les billets pour cette croisière. Je n’ai pas eu le courage de te le dire sur le moment. Et puis finalement, j’ai pensé que nous n’étions pas obligés de nous séparer dans la tension, ou le drame. J’ai voulu clore ces cinq années de la plus belle des manières.
  • Mais tu m’as menti tous les jours, toutes les heures de cette semaine !
  • Non, j’ai sincèrement passé une semaine de rêve.
  • Et donc, tu ne changes rien ? tu n’envisages pas une suite pour notre histoire ?

Le silence se fit pesant. Une bouffée de colère m’envahit.

  • Quel idiot je suis ! Tu as rêvé, tu as souhaité, tu as décidé…Je suis  un pantin pour toi !  Tu termines cette parenthèse à ta manière, de façon romanesque ! Mes sentiments, peu importe ! C’est monstrueux ! Je veux poursuivre cette conversation demain calmement à la maison.
  •  Je ne rentre pas avec toi. Je vais dormir chez une collègue. Elle est passée prendre mes affaires à la maison mardi.
  • En fait tout était décidé avant le départ ! Tu t’es bien moquée de moi. Et tu crois vraiment que tu peux jouer avec moi comme ça ? Détrompes-toi !

Le ton était monté, attirant l’attention de quelques passagers. Ils se précipitèrent , mais rien n’aurait pu m’arrêter ! Je me penchai pour attraper les fines chevilles de la femme de ma vie et je la fis basculer par dessus bord.