Make Democracy great again

24 février 2022 2 Par Nadiege

Assis dans son fauteuil devant la télé, ce 20 janvier 2021, John comme des millions d’américains suivait la cérémonie  d’investiture du nouveau Président. Le journaliste ne cessait de ressasser l’enchaînement des faits qui avaient failli faire basculer l’Amérique. Et notamment la journée du  6 janvier 2021 ou des centaines de supporters déchaînés  du Président Trump avaient  pris d’assaut le siège du Congrès. John était fier d’appartenir à la police du Capitole, celle qui est en charge de la sécurité du bâtiment et de ses abords. Dans ce journal, elle était accusée de ne pas avoir anticipé les évènements. De toutes les blessures reçues, ce n’étaient  pas les deux balles qui lui avaient  perforé la cuisse qui lui faisaient le plus mal, mais le sentiment terrible de n’avoir pas pu éviter un désastre. Rien n’avait résisté au déferlement de la meute qui  saccagea les locaux, blessa ou tua des policiers, et quelques élus qui essayaient de fuir les bureaux dans lesquels ils s’étaient barricadés au milieu d’un chaos indescriptible.

La sonnerie de l’entrée retentit, John boîta jusqu’à la porte et ouvrit à Kate, l’infirmière qui venait refaire son pansement. Ni l’un, ni l’autre n’avaient le cœur à plaisanter. Elle faisait partie de ces nombreux américains qui adhéraient au « grand mensonge » selon lequel l’élection présidentielle de 2020 aurait été truquée.

– Vous regardiez les infos, j’imagine ! Où en est-on ? Sait-on si Trump est parti ?

– Non, il semblerait que son exfiltration soit en cours.

– Les tricheurs démocrates vont donc gagner ? Quelle tristesse ! Les républicains ne vont pas se laisser faire.

– Mais enfin Kate, tous les bulletins ont été recomptés, la victoire de Biden est validée par une avalanche de décisions de justice. Trump a osé demander à Mike Pence d’invalider des résultats vérifiés. Même ce proche a refusé de trahir la Constitution américaine au bénéfice de ce fou.

John lui proposa de se poser quelques minutes en buvant un café.

A présent, le commentateur se demandait comment le secrétaire de la défense avait pu à ce point minimiser la menace.  Il montrait le moment où Trump avait invité   40 000 de ses partisans à se diriger vers le Capitole en ces termes : « si vous ne vous battez pas comme des diables, vous n’aurez plus de pays ! »

Ses collègues et lui  avaient été rapidement débordés par une foule galvanisée, chauffée à blanc. La police n’avait pas renforcé ses effectifs malgré les alertes des jours précédents sur les risques de violence.

– Bien sûr, on ne va quand même pas se laisser voler la victoire alors qu’elle est obtenue grâce à une fraude généralisée !

– Mais ce sont des « fake News ! »  Durant toute la campagne, Trump a utilisé les réseaux sociaux pour tenter d’infléchir le vote, c’est établi.

A présent, le journaliste repassait l’allocution au cours de laquelle Trump informait les citoyens américains qu’il refusait de quitter la Maison Blanche. Il était clair désormais que cette insurrection avait été planifiée.

Le nouveau président Biden avait malgré tout prêté serment pour pouvoir prendre le  contrôle de l’armée, des moyens de la justice et des différents niveaux de l’administration. Il avait ordonné à son prédécesseur de quitter les lieux avant le 20 janvier prochain, jour de sa prise de fonctions. Leurs deux cœurs se serrèrent pendant le visionnage du reportage relatif aux manifestations amenés par les partisans des deux camps. L’armée dut intervenir pour rétablir le calme et instaurer un couvre-feu. Les américains angoissés suivaient ce feuilleton en espérant une fin heureuse et digne.

A l’écran, le porte-parole du nouveau président affirmait : « le gouvernement des Etats-Unis est parfaitement capable d’escorter tout intrus hors de la Maison – Blanche ». Certes ! Mais comment ?, se demandaient les téléspectateurs.

Le présentateur évoquait  l’inquiétude des autres pays du globe. Le monde entier stupéfait suivait ce feuilleton menaçant la plus puissante des  démocraties. Les dirigeants mettaient en garde les USA quant aux conséquences de l’isolement dans lequel ils se trouveraient sur la scène internationale si la crise s’éternisait.

– Votre cuisse cicatrise bien. Dans une quinzaine de jours, vous aurez retrouvé votre mobilité. Je repasserai mardi. Espérons que les choses se tassent. Mais je n’y crois pas !

Kate sortit continuer sa tournée.

A l’instant, le responsable des services secrets indiquait que ses agents avaient délogé le Président Trump par la force et escorté hors des murs jusqu’à l’aéroport. « Il a été traité comme n’importe quel vieillard errant dans une propriété qui ne lui appartient pas », déclarait-il satisfait. Michele Obama interviewée résumait ainsi la situation : « la démocratie est plus importante que l’égo de chacun. »

Vingt minutes plus tard, le Président Biden entama son discours inaugural, il s’engageait à tout faire pour  permettre aux américains de s’aimer à nouveau.

Vaste programme ! , songea John.

Soudain, le Président  s’affaissa et une tache rouge s’élargit sur son costume. Ses gardes du corps ceinturèrent un collègue qui lui avait tiré dessus. Il y eut un moment de silence,  le journaliste sidéré comme tous les américains ne put commenter la fin de l’histoire d’une bataille électorale d’un nouveau genre qui laisserait à une Amérique profondément divisée la responsabilité de choisir la démocratie ou le pouvoir personnel.

John se leva péniblement pour attraper son révolver. Le temps de l’innocence était terminé, il savait ce qu’il avait à faire.