La petite camarade triste (7 à 10 ans)

17 juin 2022 0 Par Nadiege

Il y a presque un mois, Katerina et Ivanna sont arrivées dans mon école. Maîtresse a écrit aux parents pour les informer de leur arrivée de  et pour anticiper leurs questions . Elles ne parlaient pas un mot de français. Avant, elles  habitaient en Ukraine.

La place d’Ivanna a été préparée, à la table que je partage avec Léa et  Samir. A la récréation, Léa a essayé de lui prendre pris la main, mais elle s’est réfugiée dans un coin de la cour avec sa sœur.

Je  raconte tout le soir à maman :

– Tu sais, maîtresse, elle prend son téléphone pour essayer de traduire des mots à Ivanna…

– Maman, tu sais aujourd’hui on a appris comment on dit bonjour en Ukrainien …

Petit à petit, Ivanna a commençé à sourire, à pouvoir parler avec nous. Elle nous a raconté que sa maison a été détruite par un obus,  et qu’elles sont parties dans un train avec plein d’autres familles. Elle ne sait pas où est son papa, elle s’inquiéte beaucoup pour lui.

J’ai posé beaucoup de questions à mes parents.

– Pourquoi des gens bombardent des maisons ? Ils sont méchants. Ivanna, elle n’a rien fait de mal !

– Pourquoi personne n’arrête ça ?

J’ai invité Ivanna à mon goûter d’anniversaire.  Maman a remarqué que j’étais très attentionné avec elle, les autres enfants aussi d’ailleurs. Je la trouve très  mignonne moi, Ivanna!

Et puis un soir, à la sortie de l’école, Maman a deviné que j’étais bien triste. Je n’appréciais même pas le goûter que  maman a préparé, alors que  d’habitude,  la brioche tartinée de Nutella, c’est ce que je préfère .

Maman s’inquiète :

– Ta journée s’est bien passée ?

– Maîtresse m’a mis Très Bien pour la poésie. Je la savais par cœur et je l’ai bien récitée !

– Bravo, Tom. Et tes copains, vous vous êtes bien amusés à la piscine ?

– Oui, c’était le dernier cours.

– Je te trouve triste. Dis-moi ce qui se passe

– Rien ! tout va bien.

–  Allons, je te connais ! Tu peux me raconter.

Je me suis mis à pleurer :

– On est tous malheureux dans la classe ! Ivanna n’est pas venue à l’école depuis deux jours, et sa grande sœur Katerina non plus.

– Elles sont peut-être malades ?

– Maîtresse a demandé. Elle n’a pas réussi à savoir.

Cette nuit là, je n’arrivais pas à m’endormir.  Papa est venu me tenir la main pour me rassurer. J’ai fait un cauchemar. Je pensais à Ivanna.J’avais peur pour elle.

A l’école, aussi, l’ambiance avait changé. Maîtresse faisait de son mieux pour nous intéresser mais elle sentait bien qu’on  pensait à notre camarade. Les jours passaient, le cours de la vie reprenait.

Et puis, un jeudi, je me suis précipité vers maman à la sortie.  Je lui ai raconté  mes aventures du jour en dévorant mon pain au chocolat.

– On a retrouvé Ivanna. Elle est retournée en Ukraine avec sa maman, mais pas où il y a la guerre. Chez une amie de sa grand-mère qui a une maison près de la frontière polonaise. Elles vont s’occuper d’elle, et vivre ensemble.

– Ah, quelle bonne nouvelle !

– Maîtresse nous a montré sur la carte où elle habite maintenant. Elles vont pouvoir aller en classe là-bas. C’était dur pour elle ici à cause de la langue.

– Et comment vous avez su tout ça ?

– Maîtresse a reçu un mail qui expliquait. Et aussi elle remerciait toute la classe de l’avoir aidée et accueillie. Et elle donnera de ses nouvelles à Maîtresse qui nous dira.

– Tu es content, alors !

– Je suis un peu triste parce que je l’aime beaucoup. Mais c’est mieux pour elle. Et tu sais, elle a aussi donné un message juste pour moi. Elle me dit que quand la guerre sera finie, elle reviendra me voir. Et aussi, que sa maman m’invite chez elle pour visiter son pays parce qu’il est magnifique ! On pourra y aller en vacances, maman ?

– Bien sûr, Tom. Mais pas tout de suite !

– Je sais. Un jour, bientôt, on se retrouvera.